Tu me hantes, même dans mes rêves [Adriano]

Tu me hantes, même dans mes rêves [Adriano] 2ro59c5

" Possède moi, juste cette nuit !
Invite toi dans mes draps, sans un bruit."

Après être sortie du cabinet du Docteur Miliano, la belle Alice se dit qu’il fallait mieux rentrer au refuge. Elle en avait déjà fait beaucoup aujourd’hui et avait passé la journée dehors avec quelque uns de ses hommes. Elle entra dans la vieille ferme, qui avait un aspect pathétique et désastreux vu de l’extérieur, Alice regarda une dernière fois derrière elle pour vérifier qu’elle ne fut pas suivie. On est jamais trop prudente. Elle croisa un groupe de chasseur, qui la salua poliment et qui se dirigeait vers la ville. Ce soir c’était à leurs tours de jouer les espions… pour une fois la jeune femme avait passé le flambeau à Andréa. Pour bonne raison qu’elle était morte de fatigue et que si elle en croyait le docteur Miliano ainsi que son bon sens, il fallait à tout pris qu’elle puisse se reposer et manger un petit bout ce soir. Elle arriva dans l’entrée, il n’y avait pas beaucoup de vestes d’accrochées, de toute manière ce soir elle n’avait pas envie de tenir compagnie à ses hommes… au moins ils seraient plus tranquilles pour boire et parler de chose dont-ils seraient gênés devant elle.
Avant de monter dans sa chambre, du moins le placard qui ressemblait de loin à une chambre, elle alla dans la cuisine et trouva un bout de pain qu’elle tartina avec du beurre. Maigre, pour nourrir une femme enceinte mais de la nourriture quand même. Le pain était un peu rassis, demain il faudra qu’elle aille faire un petit tour sur le marché avec les plus habiles de ses chasseurs (et oui comme dans toute organisation, il y a aussi des crétins, juste bons à jouer les appâts). Elle sortit de sa poche une malheureuse pomme qu’elle avait ramassé ce matin, la lava et croqua dedans. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu le plaisir de manger des fruits, elle en avait même oublié le goût.

Alice avait choisie de jouer les rudes, elle n’était pas déçue… elle comprenait parfaitement pourquoi Gisèla préférait rester au manoir familial avec le reste des domestiques. Alice ne pouvait pas lui en vouloir et las bas elle était en sécurité. Après tout, beaucoup de personnes pensaient que les deux sœurs n’avaient plus aucuns liens entre elles… grossière erreur. Et dire que si on lui avait raconté tout ça, il y a un an, elle aurait pris ça pour une mauvaise blague.

Après avoir bu un verre d’eau, la jeune femme se dirigea vers les escaliers qui montaient jusqu’à sa petite chambre. Elle entra dans celle-ci et ferma tout de suite derrière elle à clé pour ne pas être dérangée dans son sommeil, mais surtout pour pas qu’un chasseur ivre vienne l’admirer dans son simple appareil.
Elle fit glisser sa robe de paysanne le long de son corps, pour se retrouver en dessous. Elle laissa la robe là où elle était tombée, trop fatiguée pour la ranger et s’installa sur son lit pour défaire le cordon qui emprisonnait ses cheveux et les brossa, pensive. Il lui restait encore beaucoup de choses à organiser, comme aller voler sur le marché… qui devait-elle choisir ? Et surtout en qui avait-elle confiance… à part en Gisèla elle avait confiance en personne, donc la tâche se révélait compliquée. De toute manière, elle n’avait plus la force de réfléchir, elle désirait juste une chose : DORMIR

La belle brune retira le peu d’habits qui lui restait et se regarda dans la glace qui se trouvait devant elle en touchant son ventre qui était en train de s’arrondir.

- Que vais-je faire de toi ?

Murmura-t-elle…Puis elle se glissa avec délice sous les couvertures. Elle adorait sentir son corps nue toucher les draps doux … bon ce n’était pas aussi agréable que des draps de soies mais maintenant elle ne pouvait plus jouer les difficiles.
Elle ferma à peine les yeux, qu’elle était déjà tombée dans les bras de Morphée….

Tu me hantes, même dans mes rêves [Adriano] Twarrennb

♫ I am tainted ...
Happiness and peace of mind
Were never meant for me .

Le velours de la nuit noire enveloppait tous les secrets du monde, à l'heure où les mortels éteignaient leurs chandelles, à l'heure où les immortels venaient souffler sur leurs paupières comme si elles devaient ne jamais se soulever encore.
Le silence, opaque, reignait partout où la vie avait frémi plus tôt, puis s'était tue, emportée par le sommeil. Les secondes, grains de sable immatériels, semblaient avoir stoppé leur course vers les abîmes du temps passé. Chronos, lui aussi, sommeillait en laissant ses chevaux de métal le conduire à Eos, avec le cliquetis de leurs sabots pour seul repère dans les ténèbres.

Tic, tac, tic, tac, tic, tac.

Tic, tac.

Tic...

L'horloge du clocher frappa douze coups de sa profonde voix d'airain.
Sa soeur, qui trônait, immense, dans le hall du château Tedeschi, chanta avec elle un duo lugubre, tandis que le dernier domestique encore éveillé fermait les yeux sur le monde souffrant, en rêvant de lendemains plus doux.

La dernière lueur animant la gigantesque demeure n'était pas celle de l'espoir mortel, mais celle des songes démoniaques.

Assis profondément dans son fauteuil de velours ébène, faisant face à l'extérieur à travers les carreaux de la large fenêtre de la chambre seigneuriale, Adriano Tedeschi veillait. Deux cierges noirs étaient disposés devant lui, luisant de petites flammes érubescentes, encadrant une immortelle dans son vase, aux pétales tachés de sang.
Le poignet du Prince, lentement, se refermait, tandis que son poignard sacrificiel buvait les dernières langues carmines qui carressaient sa lame. Le démon ferma les yeux, prit une profonde inspiration, et se noya dans l'eau sombre d'un nouveau rêve...

Alice était là, lovée sous ses couvertures.
Vêtu seulement d'une ample chemise à cordon en lin blanc strié de mêches de cheveux sombres, et d'un pantalon de coutil noir, son époux la contemplait dans son sommeil aussi frais qu'un bouton de rose à peine éclot. Il lisait sur ses traits la fatigue, la lassitude, les regrets, toutes les marques laissées par l'épreuve. Mais, dans chacune d'elle, il y avait cet espoir fou, cet espoir vain, qu'un matin le soleil se lèverait sur un nouveau jour purifié de tout ce qu'elle avait découvert, un jour neuf et ancien à le fois, où rien ne serait différent de ses rêves d'enfant.
Le regard d'acier du déchu s'assombrit. Jamais il ne pourrait lui offrir ce présent, car il n'était pas en son pouvoir de créer l'impossible, à moins de mettre fin à jamais aux soulèvements légers de la délicate poitrine de sa femme. Le rêve éternel n'existait pas pour ceux qui croyaient en la vie, et il savait que chaque infîme parcelle de son être s'accrochait désespérément à l'existence, fut-elle plus dure pour elle que le plus lourd des sacrifices.

Oserait-il la toucher, lui qui lui avait fait tout ce mal, celui d'abattre d'un coup les illusions qu'il conservait pour les autres?
Il avait voulu tout ce qu'il y avait de meilleur pour elle... Il avait voulu dans une suite logique lui révéler ce que nul autre n'aurait le privilège de savoir avant que l'entreprise du Seigneur Infernal trouve son accomplissment.
Etait-ce par amour pour elle? En était-il capable, lui le fruit des mains conjointes du Bien et du Mal? Ces notions qui n'avaient pas de sens...

Et elle, comprendrait-elle un jour que tout ce qui l'entourait dépassait de loin les cloisons établies par le peuple de Dieu? Comment lui expliquerait-il, comment la guiderait-il vers la Vérité, maintenant qu'elle lui avait retiré toute confiance?

- Mon amour...

Son murmure se fondit dans le silence pour se mêler à la nuit figée, où résonna à sa suite le fracas d'un larme impossible dont la chute était celle qu'il avait choisie des millénaires plus tôt.

Combien de fois avait-elle rêvé qu’elle s’était trompée, que tout ce qui s’était passé n’avait été qu’un abominable cauchemar. Au début, les choses avaient été plus simple, aveuglée par la peur et la haine qu’elle éprouvait envers Adriano, l’avait rendu déterminée et froide. Mais maintenant, il en était tout autrement. Évidemment, Alice n’était pas du tout d’accord avec les pratiques de son mari mais juste pour deux petites raisons : elle ne peut pas supporter de voir des innocents mourir et ce qui l’ait dépasse tout ce qu’elle a pu imaginé. Certaine nuit, quand elle avait l’occasion de se reposer quelques petites heures, elle se prenait à imaginer les bras de son ex conjoint l’enlacer, et sentir son souffle dans son cou. Dieu qu’elle détestait avoir ces moments de faiblesses, et cela confirmait qu’elle est encore incapable de lui faire ouvertement du mal.

C’est dans ces moments de doutes, que la jeune femme avait l’impression d’être perdue au milieu de désirs qui n’étaient pas les siens. La moral lui dictait de combattre sans relâche pour arrêter tout ces massacres et redonner le contrôle de la ville aux humains tandis que son cœur était prêt à se damner pour toujours, pour lui. Alice livrait non seulement une guerre avec les démons mais aussi avec elle-même. Il est donc assez compréhensible qu’elle soit épuisée et sa grossesse ne l’aidait en rien.

Peut-être que si Adriano l’avait amené à découvrir son monde d’une autre manière, elle ne serait pas ici aujourd’hui, dans un lit de fortune, presque gelée, à cause de draps pas assez épais. Peut-être qu’elle aurait été la plus heureuse d’épouse en lui annonçant qu’il allait enfin avoir un enfant. Malheureusement, on ne refait pas la vie avec des peut-être. Imaginer que tout ça aurait pu se passer autrement ne sert à rien. De plus, dans le fond, cette petite guerre l’amusait. La jeune femme avait envie de lui montrer qu’elle n’était plus une petite biche fragile, mais, dorénavant une vrai lionne, prête à se battre et à retrousser ses manches. Elle redoute, et à la fois, impatiente de recroiser son regard à nouveau, son regard qui la hante encore.

Quand Adriano arriva près d’elle, elle s’étirait dans son lit endormie. Sans savoir que son démon de mari pouvait à tout moment lui ôter la vie. Le « mon amour » lui apparût comme dans un songe, mais suffit à remettre ses sens aux aguets.

Rêve ou pas rêve ? Etait-il apparût dans un rêve ou directement dans un chambre ?

Dans tous les cas, Alice ne réagissait pas comme elle le devait en tant que chasseuse. Elle fit une petite moue, une de ses petites moues, qui faisait dessiner un sourire sur les lèvres de son mari.

- J’ai froid

Lui répondit-elle, tout simplement comme s’ils s’étaient jamais quittés. Comme si elle était tout bêtement dans sa vrai chambre, et qu’Adriano était rentré un peu plus tard que prévu.

Toujours les paupières fermées, elle se décala un peu pour lui faire de la place. Elle n’avait pas encore la force d’ouvrir les yeux, et après tout si ce n’est qu’un simple rêve, pourquoi pas en profiter pour écouter ce que désire son cœur, et non sa tête.

» Petite visite [ADRIANO]
» Courrier du matin...[suite Adriano]
» Dans le monde de Lulla Black
» Gaea V. ~ Une louve dans le jardin du Mal