Priez pour nous, pauvres pécheurs. [Luana]

L'homme était encore un nouvel arrivant en ville. Pourtant, même s'il n'était là que depuis peu de temps, certains avaient déjà besoin de son aide. La ville était peut-être habitée par un grand nombre, trop grand aux yeux du prêtre, d'être plus ou moins vils, il y avait toujours quelques bonnes âmes qui avaient encore besoin d'un homme tel que lui.

Une petite valise en cuir tenue dans la main droite, le nez levé vers les cieux, Faust' observait d'un air neutre la pancarte qui pendait à l'avant de la maison, près de laquelle il s'était arrêté. Il aurait bien du deviner qu'avec un nom pareil, cet établissement n'était assurément pas des plus recommandable pour des gens comme lui. Mais quand on venait le chercher en toute piété, pour venir en aide à une pauvre fille qui risquait de passer l'arme à gauche et qui souhaitait un confesseur au plus vite, pour être lavée de ses péchés afin de pouvoir entrer dans le Royaume de Dieu, il ne pouvait qu'accepter de se déplacer et d'oser mettre les pieds dans un endroit de dépravation pareil.

Pourtant... arrivé devant la porte, l'inquisiteur n'avança plus. Pesant sérieusement le pour et le contre de la question. Se demandant si c'était vraiment une bonne idée d'entrer. Pas qu'il avait peur de quoi que ce soit, mais il se méfiait. A l'intérieur, il ne serait plus totalement maître de ce qui pourrait suivre. Une matrone ouvrit alors et lui fit signe d'entrer par une autre porte, il risquait encore de faire fuir la clientèle!

C'est vrai qu'il était reconnaissable entre mille, bien que de noir vêtu, la collerette blanche montrait parfaitement sa fonction. Pas mécontent pour un sous d'entrer par une porte dérobée, il fut soulagé de constater que contrairement à ce qu'il aurait pu craindre, les couloirs qu'on lui faisait traverser était d'une sobriété à toute épreuve, dépourvu de toutes belles femmes aguicheuses, les coulisses en quelque sorte. La scène était de l'autre côté du mur qu'il longeait, silencieusement, tel un chat.

La chambre où on l'introduisit était, elle aussi, d'une pauvreté déconcertante, ce qui lui convenait parfaitement, sans attendre, il mit dehors tout le monde, pour se retrouver seul avec la mourante. Elle n'avait pas à dévoiler ses plus sombres secrets aux autres, même à celles qui se disaient être ses meilleures amies. C'était une affaire entre son Créateur et elle.

Le prêtre fit son travail, comme il savait si bien le faire, accompagner un être humain dans la mort, n'était pas si compliqué que cela, puisqu'il se disait qu'un monde meilleur l'attendait. Au final, cette pauvre femme quittait une vie misérable pour le bonheur. Quoi de mieux? Elle était donc étendue paisiblement sur le lit et Dantes, après avoir prévenu ces dames du sort de leur compagne, les laissant à leurs affaires.

On avait promit de lui envoyer quelqu'un pour le raccompagner dehors. Il finissait donc de ranger quelques unes de ses affaires dans son sac, quand la porte s'ouvrit à nouveau.

Kalliopê ne faisait plus partie des employées de la maison close mais elle était toujours la bienvenue. Cela faisait quelques semaines qu’elle avait été recueilli par une femme riche s’appelant Chiara. Depuis le jour de leur rencontre, la demoiselle n’a plus besoin de vendre son corps pour vivre et cela est un véritable soulagement pour elle. Les plaisirs de la chair sont plaisants quand il y a une attirance entre les deux futurs amants, mais quand la jeune fille tombe sur un vieux rustre bedonnant, croyez moi elle n’a qu’une envie: partir en courant.
Et dire que Kally n’a pas encore 20 ans. Son corps est encore celui, si on peut dire, d’une enfant mais moralement, elle réfléchit comme une femme de 40 ans. C’est une jeune personne qui a grandi trop vite et cela à cause de son don.
Cela ne sert à rien de la prendre en pitié car après tout, depuis peu la demoiselle n’est plus une créature de dieu… le dieu sauveur de la bible. Elle s’est alliée au culte des membres du château Tedeschi, le satanisme. Cela n’est guère étonnant surtout qu’elle n’a jamais été une fervente catholique. La jeune fille n’est jamais allée à l’église même quand elle vivait encore chez son abominable famille. Donc malgré ses apparences angéliques, elle n’est pas du tout fréquentable et n’a pas froid aux yeux.

Kalliopê était venue ce soir pour venir au chevet de l’une de ses anciennes amies. Celle-ci était mourante. Beaucoup de gens mourraient autour d’elle, c’est peut-être pour ça qu’elle ne versa aucune larme et qu’elle se contentait de lui tenir la main pensive. Les humains sont peu de choses sur cette terre… il faut qu’ils soient près de la mort pour devenir catholique… pour qu’ils puissent entrer dans le royaume de dieu et blablabla… que l’âme puisse ressusciter… ou quelque chose comme ça. A vrai dire Kalliopê se moquait de tout cela mais par respect pour son ancienne amie elle imitait les autres personnes se trouvant dans la pièce C’est-à-dire : tête baissée, visage triste, regard larmoyant, main tremblante… Il n’est pas très difficile de jouer la comédie.

Son petit cinéma fut interrompu par l’arrivée d’un prêtre. Il était nouveau en ville et elle n’avait pas encore eu l’occasion de le croiser. Cet homme d’église ne devait pas se sentir à l’aise à côté de toutes ces catins, ces pauvres créatures comme ils aiment dire. Il faisait même un peu tâche au milieu des demoiselles indécemment habillées. Elle embrassa sur le front la mourante, certaine qu’elle ne la reverra plus jamais et s’éclipsa derrière la porte pour laisser le prêtre faire son travail.
C’est à ce moment là qu’une des prostituées l’invita à raccompagner le prêtre lorsqu’il aurait fini car les autres avaient beaucoup de travail ( et oui vendre son corps est loin d’être de tout repos). Vous imaginez bien que cela ne l’enchantait guère.

C’est au bout d’environ 20 minutes qu’elle se décida à rouvrir la porte. Le prêtre rangeait ses affaires et son amie était plus morte que jamais. Ses yeux se posèrent sur le cadavre pendant quelques secondes mais on ne pouvait pas y déceler une lueur de tristesse. Puis son regard vint se poser sur le prêtre et c’est d’une voix neutre qu’elle lui demanda.

A-t-elle souffert ?

» Luana Abatucci_Ne jamais se fier aux apparences.
» Un lit pour la nuit [Lulla]